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Maurice Allais, inventeur de l'économie moderne

lundi 25 octobre 2010





Le 9 octobre dernier, peu avant la remise du prix Nobel 2010 à trois économistes du travail, Maurice Allais est décédé à l’âge de 99 ans. Quasiment inconnu des nouveaux étudiants en sciences économiques, l’unique français à avoir reçu à ce jour la distinction ultime pour un chercheur en économie aura participé à la découverte et au développement de nombreux piliers de la théorie économique moderne, de la maximisation du bien être aux modèles intergénérationnels. Maurice Allais était également un penseur de l’économie politique et ses travaux sur les marchés financiers, développés dans les années 1940, n’auront jamais eu depuis une telle actualité.

Libéral, Maurice Allais l’était. Défenseur du libre-fonctionnement des marchés dont il montrera l’efficience par l’équilibre entre l’offre et la demande, l’économiste était défavorable à toute entorse aux règles du marché concurrentiel comme la mise en place d’un salaire minimum. Soucieux du respect de la propriété privée, sa « réforme fiscale » visait à remettre le travail au centre en supprimant l’impôt sur le revenu et sur les profits des entreprises, et en maintenant une TVA élevée et un impôt sur le capital censé frapper l’épargne des plus riches. Bien qu’illusoires, ses considérations sur l’impôt rejoignent certains débats récents sur la fiscalité du capital ou sur le relèvement de la TVA pour pallier une baisse des cotisations sociales.

Immensément respectueux du travail et du mérite, Maurice Allais considérait les rentes du capital comme injustes car indépendantes de l’activité de son détenteur. Il se montrait en revanche peu favorable à certaines politiques visant à corriger les inégalités économiques et sociales. Certains économistes ne cesseront de lui reprocher d’avoir une approche élitiste de la société. D’autres retiendront comme message principal que l’efficacité économique n’est pas morale et que le fonctionnement optimal des marchés produit de l’inégalité.

Maurice Allais était pourtant sceptique quant aux bienfaits du libre-échange et au fonctionnement des marchés financiers. Il plaide en faveur d’une fédération européenne associée à une monnaie unique mais se méfie de la globalisation des marchés financiers et de la liberté de circulation des capitaux. Très marqué par la crise des années 1930, il pointe le rôle des banques et des établissements de crédits dans l’origine des crises : ceux-ci multiplient les crédits en période de croissance économique et créent donc des bulles et de l’inflation. Dans la lignée des monétaristes, Maurice Allais considère l’inflation comme un « mal suprême » qui fausse l’équilibre des marchés en modifiant les prix des biens et en diminuant artificiellement la valeur de l’endettement. Il était donc favorable aux politiques monétaires austères mais ne croyait pas à l’autorégulation du système financier.

Mais c’est probablement dans son analyse de la psychologie des individus que Maurice Allais retrouve toute son actualité. Très proche de Keynes dans son analyse des anticipations des agents économiques, il tentera de modéliser avec un succès mitigé les décisions psychologiques des individus en prenant en compte l’importance de la mémoire collective dans les décisions présentes. Nul ne doute que le facteur « mémoire » joue un rôle important dans les attaques spéculatives contre la zone euro : celle-ci est jeune, donc peu crédible en termes de politique économique et construite suite à la crise du système monétaire européen de 1992. Bien avant cette tentative de modélisation, son paradoxe remettant en cause l’hypothèse de rationalité des individus en situation d’incertitude aura ouvert des champs infinis de recherche en probabilités et en économie expérimentale. Ainsi, lorsque deux gains identiques sont présentés différemment, un individu préférera toujours le choix qui lui semble le plus protecteur et sécuritaire mais face à la ruine, il se montrera toujours optimiste. Une « euphorie financière » bien réelle avant la crise des subprimes.

Tantôt keynésien, tantôt monétariste, Maurice Allais restera un penseur non identifié de la science économique, ayant ouvert le pas à la formalisation de l’économie moderne.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Tantôt keynésien, tantôt monétariste, Maurice Allais restera un penseur non identifié de la science économique, ayant ouvert le pas à la formalisation de l’économie moderne."
Maurice Allais n'est absolument pas keynésien; il rejette catégoriquement les idées de Keynes (la possibilité d'une crise de demande globale et les politiques de relance). Il soutient certaines formes d'intervention de l'Etat dans l'économie mais ça n'en fait pas un keynésien. En revanche ses positions sur la monnaie et l'inflation le rapprochent des monétaristes.

Simon PORCHER a dit…

Ma formulation était peu être mauvaise. Vous avez évidemment raison, Allais est très proche des monétaristes et était libéral parfois à l'extrême.

Il a une optique keynésienne en revanche lorsqu'il s'intéresse à la psychologie des marchés financiers; ce qui ne fait pas de lui un keynésien mais quelque part un disciple de Keynes.

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