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Une marée noire oubliée depuis trop longtemps

mercredi 15 septembre 2010

A 9 000 km au sud-est du golfe du Mexique, une marée noire permanente détruit la vie des 30 millions d’habitants du delta du Niger. Depuis 1958, plus de 13 millions de barils de pétrole, soit 2 milliards de litres, ont été déversés dans cette zone géographique. En ordre de grandeur, cela représente 10 fois la marée noire du golfe du Mexique et 40 fois l’Exxon-Valdez. C’est donc grosso modo la catastrophe de l’Exxon-Valdez qui se déroule chaque année depuis 50 ans dans le delta du Niger sans que l’opinion publique mondiale ne s’en émeuve.

Si le delta du Niger est la zone qui a connu la plus forte augmentation du nombre de barils produits en haute mer lors des vingt dernières années, les fuites en cause proviennent pour l’essentiel d’oléoducs terrestres. Le niveau de contamination n’est pas pour autant moins important que dans le golfe du Mexique : toute l’économie locale a été ruinée. Dans un rapport publié il y a tout juste un an, Amnesty International, une organisation non-gouvernementale, insiste sur les conséquences humaines de la catastrophe : l’eau et les terres étant complètement souillées, l’agriculture et la pêche – principales ressources économiques hors pétrole - sont désormais impossibles. Au final, plus d’une dizaine de droits de l’homme (droit à l’eau, à l’information, etc.) sont bafoués.

La principale compagnie en cause, Shell, se défend en évoquant l’importance du vandalisme dont elle est victime. Selon la compagnie pétrolière, 98% des fuites seraient dues à des actes de sabotage et de vol consistant à percer les oléoducs. Il est vrai que la situation du delta du Niger est exceptionnelle puisque Shell - présente dans une centaine de pays - totalise 40% de ses fuites dans cette zone. Mais compte tenu de l’âge de son réseau d’oléoducs dans la zone contaminée (40 ans en moyenne quand la durée de vie est de 25 ans), l’explication la plus vraisemblable pourrait être que le remplacement du réseau coûte plus cher que de laisser fuir un pétrole plutôt bon marché.

Pourquoi devrions-nous nous sentir responsables de la tragédie du delta du Niger ? Tout simplement parce que l’Afrique consomme 10 à 15 fois moins de pétrole par habitant que les pays du Nord. Les populations africaines payent en quelques sortes notre dépendance à l’or noir. La marée noire du delta du Niger semble par ailleurs être la plus inquiétante pour l’avenir: si les fuites de la plateforme Deepwater Horizon sont désormais réparées, les fuites du delta du Niger ont quadruplé entre 2007 et 2009. La pression médiatique pourra peut-être enfin donner l’impulsion nécessaire à la mise aux normes du réseau d’oléoducs et à l’indemnisation des populations. A l’image de la nouvelle régulation sur la sécurité des plateformes pétrolières, c’est une réflexion en profondeur qui doit être menée au niveau des institutions internationales sur les industries extractives et leur impact sur les populations locales.

2 commentaires:

L'Économiste principal a dit…

Shell est supposé
1. Tirer sur les insurgés
ou
2. Cesser la production et quitter la région
??

Simon PORCHER a dit…

Il y a deux responsables:
- Les trois compagnies pétrolières qui exploitent le pétrole du delta qui ne réparent pas les fuites ni le nettoyage des nappes de pétrole,
- le gouvernement nigérian qui n'assure pas la sécurité sur son territoire ni le nettoyage des nappes de pétrole.

Shell assure déjà tant que possible la protection de ses oléoducs mais n'a pas à assurer la sécurité du territoire qui est de la responsabilité du politique. Elle n'a pas non plus d'un point de vue économique à cesser la production qui lui rapporte beaucoup plus que ça ne lui coûte en nettoyage, en réputation et en indemnisation.

Par contre, on peut rêver qu'une organisation internationale (mais il n'y en a pas de compétente sur le sujet) ou qu'un accord entre un médiateur, l'état nigérian, les milices et les compagnies pétrolières amènent à suspendre temporairement la production de pétrole pour nettoyer la marée noire.

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