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Nanoeconomics par Halim Madi

jeudi 8 juillet 2010
Quelle bataille de chiffres ! Quand ce ne sont pas les 750 milliards d’euros du sauvetage grec qui viennent concurrencer le billion de dollars injecté outre-Atlantique, ce sont les indices de confiance qui font une chute libre. On en a beaucoup parlé dans les médias: « l’indice de la peur », le VIX ou indice de volatilité des marchés, a dépassé le seuil des 40% de variance cinq fois lors des trois dernières années aux Etats-Unis, autant que les 15 années d’avant. On entend ici et là parler d’ « incertitude sauvage ».

Il y a peu, la zone euro, connaissait également une crise de gouvernance qui a eu l’effet d’une secousse sur les marchés financiers. Conséquence : de nombreux pays ont vu la note de leur dette dégradée et devront se refinancer à un coût plus élevé alors même que leurs déficits s'envolent. Le choix d’une dévaluation interne a été adopté par presque l’ensemble des pays de la zone euro pour éviter la disparition de la monnaie commune. Le sauvetage grec à lui seul coûtera plus de 100 millions d’euros aux contribuables européens.

Peu de temps après, une plateforme pétrolière de la British Petroleum (BP) prenait feu suite à une fuite de pétrole. La fuite demeure aujourd’hui irréparable en dépit de l’utilisation de moyens de géo-ingénierie sophistiqués : 12.000 à 20.000 barils de pétrole sont déversés tous les jours dans la mer. La situation actuelle fait penser que nous ne pourrons au mieux qu’encadrer la fuite. Les gouvernements ouvrent les yeux sur les risques et les coûts environnementaux des plateformes off-shore.

Dans le même temps, la confiance des ménages s’écroule. La variance de l’indice de confiance des ménages américains a ainsi connu des records historiques : de -50 points au troisième trimestre 2009 à +100 points au premier trimestre 2010. L’individu économique d’aujourd’hui est connecté aux marchés et aux médias : son indice de confiance chute quand le marché s’effondre et vice versa. Les phénomènes de contagion ne sont pas nouveaux mais ils sont infiniment plus rapides : la crise de 1929 s’est mondialisée plus de 7 ans après le Krach, la crise pétrolière de 1974 a pris 4 ans à faire sentir ses effets, la crise asiatique a eu une onde de choc dans les deux ans après les premières faillites tandis que la crise des subprimes s’est généralisée en moins de 6 mois et la crise grecque en quelques jours.

On dirait que les « cygnes noirs », les évènements rarissimes, sont aujourd’hui de plus en plus fréquents. Les statisticiens aiment penser en densité de loi normale : la probabilité d’un évènement est extrêmement faible aux extrémités de la distribution. Et si les évènements « rarissimes » en temps normaux devenaient des « évènements fréquents » aujourd’hui ? La distribution de la loi normale deviendrait plate, l’absurde deviendrait lieu commun. Il semble qu’une certitude demeure, celle de la loi de Murphy : « tout ce qui pourrait mal se passer ne manquera pas de mal se passer ».

L’ouverture des marchés de biens et services, la déréglementation financière des années 1980, et l’augmentation de la vitesse des décisions individuelles ont changé la donne. Nous sommes finalement dans une période où l’individu redevient le centre de tout : le changement technologique permet le développement et la stabilité des réseaux sociaux. Pour Nicholas Christakis, sociologue à Harvard, les caillots émotionnels, la conviction collective et l’opinion publique se forment à une vitesse et gagnent une taille moyenne qui n’a aucune commune mesure avec celles qu’on observait il y a trois ans. Trois ans, c'est-à-dire au début de la crise. La faute à l’explosion des réseaux sociaux comme Twitter. Celui-ci comprend 100 millions d’utilisateurs qui répondent chaque 2 millionième de seconde au fameux slogan « What’s happening ? » sans même qu’on ne puisse évaluer l’impact économique de ces « tweets ».


On revient en fait aux premières leçons d’économie : un marché n’est que la somme de décisions individuelles ; une initiative individuelle a un impact positif ou négatif pour la société dans son ensemble ; le tout l’emporte sur la partie ; un marché représente les normes d’une époque donnée qui sont définies par les parties elles-mêmes. N’en déplaisent aux macro-économistes et aux micro-économistes, les récents changements technologiques nous poussent de plus en plus à étudier l’individu tel qu’il est in vivo pour comprendre les évolutions collectives. Bienvenue chez les nano-économistes.

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