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Jérôme Kerviel : vérité générale ? par Halim Madi

mardi 8 juin 2010
Le 26 février 1995, la prestigieuse banque Barings de sa majesté la Reine est déclarée insolvable. Dans un hôtel à Kuala Lumpur en Malaisie, un des employés de la banque, Nick Leeson, lit le gros titre du Wall Street Journal : « Banque anglaise majeure coule ». Sa première réaction est : « quelqu’un a de plus gros problèmes que moi ». Il ne se rend pas compte que c’est la banque dans laquelle il travaille qui fait les gros titres et qu’il est seul responsable de sa faillite.

La mésaventure de Barings du fait des opérations de Leeson en Asie a été le début d’une réforme des salles de marché des banques : interdiction du trading sans supervision et du cumul des rôles opérationnels et de contrôle; renforcement des obligations de transparence. En janvier 2008, une perte de 4,9 milliards d’euros de la Société Générale due à un seul de ses opérateurs de marché prouve que la leçon Leeson n’a pas été saisie. Deux questions retentissent aujourd’hui dans cette affaire. L’une en faveur de l’ex-trader, l’autre en faveur de sa banque.

D’un côté, la défense de Kerviel - assurée par l’excellent Olivier Metzner - tient du bon sens. Si le débouclage des positions de M. Kerviel, pour 50 milliards de dollars, s’était soldé par des gains, la Société Générale aurait-elle jamais porté plainte ? D’ailleurs comment la Société Générale qui avait développé des contrôles très fins pouvait-elle ignorer qu’un trader ne respectait pas les plafonds en termes de sommes aussi bien qu’en nombre d’échanges ?

En face, la position de la banque, assurée par un autre ténor – Jean Veil - tient en trois volets. Si la banque était consciente des fraudes ou qu’elle y incitait, pourquoi tous les traders de la Société Générale ne font-ils pas ce qu’a fait Jérôme Kerviel? Pourquoi une banque aux profits records aurait-elle pris autant de risques? Enfin, comment ne pourrait-on pas se laisser berner par un délinquant mythomane qui produisait des faux ?

Le système a-t-il depuis changé pour empêcher ce genre de tricheries? Des changements récents ont eu lieu: les bonus des maestros des marchés ont été orientés dans le sens d’une incitation à la performance de long-terme au sein des banques; ils sont marginalement plus taxés par intervention du législateur (le cadeau d’adieu de Gordon Brown en Grande-Bretagne); leurs ordres sont contrôlés plus scrupuleusement désormais tandis que des lois sont mises en place pour mieux réguler le système. Il n’empêche que le système reste toujours orienté dans la même direction : l’appât du gain pour les uns, la redistribution des dividendes pour les autres. Pour ce faire, il faudra peut être encore plus prendre de risque pour les traders, tandis que les banques devront augmenter leurs profits par d’autres voies, en mettant en avant les activités financières les plus rémunératrices. Kerviel, c’est donc moins le procès d'un système que le combat courant d’un Rastignac contre l’ordre établi.

Nick Leeson avait été condamné à six ans et demi de prison et £ 70 000 d'amende. Kerviel risque cinq ans de prison et 400 000 euros d’amende. Mais ce que l’un des opérateurs cachait dans un compte ambigu en Asie, l’autre le faisait aux côtés de tous ses collègues et supérieurs. Il s’en vantait même d’après certains témoignages. Un délit à découvert est toujours un délit. Mais la couverture d’un délit par des supérieurs implique la prise en compte du principe de hiérarchie et de responsabilité, qui doit s'appliquer équitablement à tous les acteurs. Que justice soit faite.

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