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Comment votre prochain post sur Facebook mettra fin à Hollywood par Halim Madi

mardi 27 avril 2010

Le ratio 3/10 fait la pluie et le beau temps dans le monde du marketing : un client satisfait d’un produit en parle à 3 personnes dans son entourage alors qu’un client mécontent communique son sentiment à 10 personnes. Ce sont évidemment des approximations mais le phénomène est bien réel : les mauvais sentiments se font plus souvent entendre que les bons. L’économie comportementale peut nous aider à comprendre le phénomène.

L’économiste et psychologue Daniel Kahneman propose à un échantillon significatif le jeu suivant : « On lance une pièce de monnaie. Vous choisissez pile ou face sachant que si vous perdez vous devez payer 100 €. Quel doit être le montant minimum à remporter en cas de gain pour que le jeu devienne intéressant à vos yeux ? ». Les réponses allaient de 51 (!) à 600 avec une moyenne globale de 190. Les chercheurs veulent tout simplement comprendre l’aversion que l’on a vis-à-vis des pertes : en moyenne, on déteste perdre 2 à 2,5 fois plus que l’on aime gagner. C’est ce rapport d’intensités qui explique notre réaction de client vis-à-vis d’un produit acquis : un achat réussi nous enthousiasme moins qu’un mauvais achat nous exaspère. En clair, le gâchis ou le sentiment de se faire rouler énerve plus que la bonne affaire ne rend heureux.

Mais ce ratio de 3/10 évolue aujourd’hui pour signifier autre chose. Dans l’image que chacun construit en ligne, mécontentement et satisfaction sont des denrées essentielles. Ils alimentent nos statuts et nos conversations. Aujourd’hui, un client - qui a potentiellement 500 amis sur Facebook, dont 200 susceptibles d’être attentifs à son statut mais également 300 followers en moyenne sur Tweeter et 200 personnes parcourant son blog - n’est plus une machine à consommer mais un panneau publicitaire incontrôlable. Une opportunité pour les marques autant qu'une menace considérable.

Jeff Jarvis, journaliste américain, est ainsi connu pour être l’homme qui a transformé Dell sans jamais y avoir travaillé. Excédé un jour par l’inefficacité du SAV de Dell et des problèmes sur son portable, il publie un post sur son blog: « Dell Hell ». Dans l’heure qui suit, 2500 commentaires se rallient à sa cause. Quatre jours plus tard, le New York Times et MSNBC relayent l’histoire. Dell se rendit compte à son insu d’un problème majeur en son sein.

Aujourd’hui, nous trouvons tous dans notre entourage un Jeff Jarvis qui fait savoir ce qu’il en est de son dernier achat. Les gens du marketing appellent ces personnes des « agents alpha ». Ils diffusent l’information à une échelle supérieure à celle du commun des consommateurs. Internet et les réseaux sociaux ont renforcé leur impact à tel point que Dell a désormais une équipe dédiée qui cherche les mots « Dell Hell » et « Dell sucks » sur Google Trend et tente de remédier aux problèmes des bloggeurs influents qui les originent.

L’effort marketing a changé de terrain de jeu. Les publicités télévisées n’ont plus le même impact qu’en 1990 : en vingt ans, le cabinet McKinsey (2006) estime qu’elles ont perdu 65% de leur efficacité. Les firmes ne peuvent plus simplement diffuser leur image et l’imposer au public. La publicité est désormais un jeu interactif entre la firme et son public. Et l’élément fondateur de cette tendance est le bouche à oreilles, ou plutôt « l’écran à écran », qui a pris une dimension autre. Selon Chris Anderson, il y a 20 ans, un mauvais film, « flop » pour les intimes, perdait 30% de ses entrées au box-office en une semaine. En 2010, grâce à la vitesse à laquelle circulent les avis négatifs, il en perd 50% en une semaine. Le mécontentement résonne bien plus fort.

Donc aux amateurs de films alternatifs qui se demandent comment organiser la fin des blockbusters Hollywoodiens, il suffit de faire part de votre avis négatif sur la dernière grosse production américaine que vous venez de voir. Ou mieux, laisser l’industrie cinématographique d’Hollywood périr seul comme toutes les compagnies qui n’écoutent pas leurs clients aujourd’hui ; Hollywood est condamné.

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